Nous sommes arrivés sur l'étang de Sanguinet après avoir traversé une vaste bande sud du département de la Gironde qui ne sait plus bien s'il relève de la forêt landaise perdue ou de la lointaine couronne de l'agglomération bordelaise. Dernier village des Landes avant la périphérie d'Arcachon, Sanguinet vit du pétrole (Parentis n'est pas loin) et du centre d'essai de l'armée. Mais l'autoroute Bordeaux-Arcachon n'est pas loin, et si la population du village a bondi de 50% en dix ans, comme Marielle l'a bien remarqué, c'est que désormais nombre de ses habitants s'en vont travailler qui à Talence, qui à Mérignac…
En ce week end des fêtes de Saint Sauveur, le village se réaffirme, arrimé à une tradition gasconne récente, celle des bandas, des bodegas et des fêtards imbibés,
debout 24 h sur 24 h dans leurs déguisements improbables. Ai-je bien vu un lapin blanc géant ? Une fois fait le tour de la place du village, et un stationnement déniché, nous sommes réceptionnés
par l'homme au béret, Jean-Michel, la clé de l'organisation locale. Sans lui, nous ne dormions pas, nous ne mangions pas, et nous ne chantions pas. Heureusement, il jongle sans faux mouvement
avec les trois chorales venues de Toulouse, Pau et Sanguinet, unies par leur chef commun, Bastien Miqueu.
Samedi midi, direction la tourbière, zone humide en bord de l'étang, restaurée par une association de chasseurs à l'aide de quelques ânes et de quelques vaches.
Tout le monde est déjà là, les cuistots touillent amoureusement la sauce de cochon qui mijote depuis des jours ; discours, apéro, cantèra, agapes, re-chant, nuages, mais pas de pluie ! On
n'arrive dans l'hébergement qu'en fin d'après-midi, de l'autre côté de l'étang, des mobile homes dans un camping pour lequel on nous a négocié un tarif basse saison. Tout est propre et neuf, mais
on n'y passe pas longtemps, direction la plage et la paillotte, où, vous l'avez deviné, on re-boit et on re-chante. Nous avons beaucoup de répertoire en commun, ce qui n'est pas une surprise. Les
livrets bleus et jaunes sont frénétiquement feuilletés. Avec en début de soirée la vue idyllique du lac sous le ciel d'opale des longues soirées de juin… et plus tard, sous les étoiles, refleté
par les flots, le feu d'artifice de la fête.
Peu nombreux étaient les courageux à se lever pour les tripes de veau, à huit heures du matin le dimanche (il ne manquait pas de convives, mais je soupçonne les
rugbymen qui dévoraient gaillardement de ne pas s'être couchés du tout). Promenade naturaliste le long de l'étang, histoire de digérer, sur les chemins détrempés (sandales déconseillées). On sert
de pâture aux moustiques, mais on effraie les oiseaux en re-chantant sur une plage sauvage, à proximité d'une tone (cabanne de pêcheurs). Les vidéos de Jean-Michel témoignent de notre ola
désynchronisée sur L'Estaca. Et poutant, nous étions encore à jeun (enfin, presque tous).
Les greniers des maisons de plage valent rarement le coup d'être vidés, l'étalage le long de l'avenue à Sanguinet l'a confirmé, ce qui n'a pas empêché des gens de
flâner (j'ai même acheté un 45 tours de chansons en limousin). A l'heure du déjeuner, chant à la buvette, la jacqueline (apéritif sucré) n'est pas suffisante pour nous faire résister au soleil
qui commence à taper, on se replie sous un arbre. Les trois groupes commencent à se connaître, mais les tonalités restent parfois difficilement compatibles (j'ai sans doute contribué plus que ma
dose habituelle d'infra-sons et de fausses notes). Le larynx à vif, nous arrêtons pour nous atabler, occasion de réentendre parler de la côte landaise ou du Béarn selon les interlocuteurs à
portée d'oreille, avant d'aller écouter le groupe de Bastien, Kaiats (orthographe ?), qui animait un bal gascon, tant à la voix qu'aux instruments. Une des chanteuses paloises, Clàudia Labandés,
avait installé un stand des éditions Per Noste, bonne occasion d'emplettes pour les amateurs de lecture en gascon. Mais il était temps de rentrer à la maison…
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Pascal J. Thomas, 22 juin 2013